A L’ORÉE DU FOYER – Les absents du décor n°9 «Le bijoutier Afghan», 2020
EXPOSITION COLLECTIVE A L’ORÉE DU FOYER, JUSQU’AU 13 MARS 2022, VILLE DE GUYANCOURT
AVEC OUASSILA ARRAS, HALIDA BOUGHRIET, LAURA HABY, KUBRA KHADEMI, JEANNE SUSPLUGAS, MARIANNE VILLIÈRE. MISE EN LUMIÈRE : SERGE DAMON
COMMISSARIAT ÉLISE GIRARDOT
« Nous observons cette maison comme nous observons le ciel, le matin, à peine réveillés ; nous observons cette maison comme notre propre ciel. »
Emanuele Coccia, Philosophie de la maison, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2021
À l’orée du foyer se concentre sur l’intérieur : l’intérieur profond et mystérieux de nos habitats et l’intimité qui s’y déploie.
Chacun conçoit son lieu de vie à son image en y projetant sa vision du monde, variable selon le pays et le continent habité. L’expositionaborde le chez-soi dans ses définitions multiples : un lieu à la fois matériel et immatériel, quotidien, solitaire, joyeux ou tragique, parfois collectif et sujet aux retrouvailles. À travers les œuvres de six artistes d’origines diverses, nous verrons comment l’espace domestique est l’expansion d’un espace mental, un espace-temps à soi.
Dans une forme d’immersion, les visiteurs arpentent des propositions artistiques qui suggèrent des sensations proches et familières. Suspendues ou disposées près du sol, les œuvres nous accueillent dans une atmosphère lumineuse enveloppante et tamisée, aux directions changeantes.
Plusieurs récits se côtoient, reliés par l’installation de Ouassila Arras qui recouvre d’une multitude de tapis orientaux le sol de la Salle d’exposition. Photos de famille est le fil conducteur du parcours. L’œuvre incarne un objet familier qui nous rassemble : le tapis. Comme un signe, une ponctuation universelle, nous le retrouvons plusieurs fois, parsemant les œuvres des artistes.
Au cœur de l’exposition, une grande maison, Flying House de Jeanne Susplugas, dévoile le poids des objets qui emplissent nos intérieurs. Puis, la présence s’anime ; The Birth Giving de l’artiste afghane Kubra Khademi souligne ce qui intervient parfois dans les espaces intimes : la naissance, les traditions et les interdits.
Ailleurs, le travail sonore de Marianne Villière, intitulé Réalités désirées, découle de ses rencontres avec de jeunes habitantes des Yvelines dans le cadre de sa résidence artistique à Guyancourt. Elle leur donne la parole et insère leurs voix dans l’exposition.
On observe aussi des mises en scène, comme avec la photographie d’Halida Boughriet Le bijoutier afghan qui dresse le portrait d’Ismaîl installé dans un décor chargé de réminiscences historiques.
Enfin, on décrypte des scènes collectives ouvrant sur un horizon. Muhabet, le diptyque vidéo de Laura Haby évoque une forme de conversation ritualisée ; depuis bientôt quatre ans, l’artiste voyage au nord de l’Albanie dans un village enclavé qui connaîtra bientôt les bouleversements de la construction d’une route.
Ces manifestations de l’intime révèlent un échantillon de nos relations aux objets et aux personnes qui nous entourent. Les œuvres nous invitent à appréhender le chez-soi comme un paysage, un paysage énigmatique, jamais banal qui dévoile les nuances de nos habitudes et de nos caractères.
Notre foyer est un réservoir narratif : il raconte nos singularités.
Élise Girardot, janvier 2022
Crédits photos : Laura Haby