« Algérie mon amour» –  Mémoire dans l’oubli à l’IMA (PARIS)
« Algérie mon amour » révèle toute la richesse de la production algérienne moderne et contemporaine, tant dans les arts visuels classiques que dans les nouveaux médias. Elle témoigne, à travers un choix d’œuvres représentatives, de la grande créativité de trois générations d’artistes, en dépit des tragédies de l’histoire.

L’exposition recouvre une large période, réunissant des artistes dont le plus ancien, le peintre non figuratif Louis Nallard, est né en 1918, et la benjamine, El Meya, artiste-peintre elle aussi, n’a pas trente-cinq ans.

MÉMOIRE DANS L’OUBLI, 2010 – 2011 ©halidaboughriet

Donation Claude et France Lemand 2018 / Musée de l’Institut du monde arabe

crédit photo : ©arts-in-the-city.com

Conférence en présence de l’artiste Halida Boughriet et d’Émilie Goudal, historienne de l’art, au sein de l’exposition
 « Algérie mon amour » :  Un art anti-orientaliste

Halida BOUGHRIET                                   (D’après Emilie Goudal)

De la vidéo à la performance, du podcast radiophonique à la photographie scénographiée, Halida Boughriet s’est engagée dans une œuvre au carrefour de préoccupations esthétique, sociale et politique, assemblant et construisant de nouvelles formes d’écriture en mouvement. En prise directe avec l’état du monde, l’artiste porte une attention particulière aux conflits qui le traversent et à leurs incidences, à l’échelle de la société ou de l’individu. Le corps est omniprésent dans ses œuvres.

Née en 1980 à Lens, diplomée de l’École des Beaux-arts de Paris – formation qu’elle consolide par une expérience new-yorkaise à la School of Visual Arts, section Cinéma -, Halida Boughriet est une artiste de citations, s’inscrivant dans une généalogie richement référencée de l’histoire de l’art occidentale. Elle en déconstruit et détourne la violence sociale et l’assignation visuelle, dans une action performative de (re)définition avec et contre l’image ; une démarche dont le pendant féminin de la série Mémoire dans l’oubli (2010-2011) est l’une des plus sensibles illustrations.

Halida Boughriet prête une attention particulière aux circulations géographiques et temporelles, mais aussi aux anonymes, modèles de tous âges, genres, origines sociales et géographiques, qu’elle invite à une « prise de parole » dans l’espace visuel. Au moyen de la photographie, sa recherche sur les corps peut prendre la forme de portraits (Orphelinat Sarajevo, 2007) ou de séries telles que Dream City (2008, dédiée aux espaces de jeux aménagés pour les enfants dans différentes villes du monde). Ses vidéos expérimentent souvent des dispositifs d’intervention qui viennent perturber une vie urbaine codifiée.

Cette interaction et diffraction entre les lieux de représentation et les corps (tous deux) habités est perceptible dès les premières pièces de l’artiste, avec les portraits d’une jeunesse « militarisée » de Child in America (2005) ou les Murmures (2009), clameurs étouffées des citadins dans le grouillement new-yorkais. Les codes de la représentation visuelle sont retournés, pour faire place aux voix, aux murmures de la ville. Une relation de distance et de proximité du corps au temps et à « soi-même comme un autre » (Ricoeur), palpable dans sa vidéo Corps de masse (2013-2014), où différentes générations de Dyonisiens investissent les espaces compressés des salles du musée d’Art et d’Histoire de Saint-Denis, avant que, des chairs emboîtées, ne se détache un être hybride, qui éclot dans une atmosphère caravagesque.

Les œuvres de Halida Boughriet font partie de la collection du Centre Georges Pompidou, du MAC/VAL (Vitry-sur-Seine), du MAMA (Alger) et du Musée de l’IMA.

Les artistes exposés

  • Mohamed AKSOUH 1934
  • Mohand AMARA 1952
  • BAYA 1931-1998
  • Souhila BEL BAHAR 1934
  • Abdallah BENANTEUR 1931-2017
  • Mahjoub BEN BELLA 1946-2020
  • Zoulikha BOUABDELLAH 1977
  • Halida BOUGHRIET 1980
  • EL MEYA (Benchikh El Fegoun) 1988
  • Abdelkader GUERMAZ 1919-1996
  • M’hamed ISSIAKHEM 1928-1985
  • Mohammed KHADDA 1930-1991
  • Rachid KORAICHI 1947
  • Denis MARTINEZ 1941
  • Choukri MESLI 1931-2017
  • Abderrahmane OULD MOHAND 1960
  • Louis NALLARD 1918-2016
  • Kamel YAHIAOUI 1966
A L’ORÉE DU FOYER – Les absents du décor n°9  «Le bijoutier Afghan», 2020 

 

EXPOSITION COLLECTIVE A L’ORÉE DU FOYER, JUSQU’AU 13 MARS 2022, VILLE DE GUYANCOURT

AVEC OUASSILA ARRAS, HALIDA BOUGHRIET, LAURA HABY, KUBRA KHADEMI, JEANNE SUSPLUGAS, MARIANNE VILLIÈRE. MISE EN LUMIÈRE : SERGE DAMON

COMMISSARIAT ÉLISE GIRARDOT

« Nous observons cette maison comme nous observons le ciel, le matin, à peine réveillés ; nous observons cette maison comme notre propre ciel. »

Emanuele Coccia, Philosophie de la maison, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2021

À l’orée du foyer se concentre sur l’intérieur : l’intérieur profond et mystérieux de nos habitats et l’intimité qui s’y déploie.

Chacun conçoit son lieu de vie à son image en y projetant sa vision du monde, variable selon le pays et le continent habité. L’expositionaborde le chez-soi dans ses définitions multiples : un lieu à la fois matériel et immatériel, quotidien, solitaire, joyeux ou tragique, parfois collectif et sujet aux retrouvailles. À travers les œuvres de six artistes d’origines diverses, nous verrons comment l’espace domestique est l’expansion d’un espace mental, un espace-temps à soi.

Dans une forme d’immersion, les visiteurs arpentent des propositions artistiques qui suggèrent des sensations proches et familières. Suspendues ou disposées près du sol, les œuvres nous accueillent dans une atmosphère lumineuse enveloppante et tamisée, aux directions changeantes.

Plusieurs récits se côtoient, reliés par l’installation de Ouassila Arras qui recouvre d’une multitude de tapis orientaux le sol de la Salle d’exposition. Photos de famille est le fil conducteur du parcours. L’œuvre incarne un objet familier qui nous rassemble : le tapis. Comme un signe, une ponctuation universelle, nous le retrouvons plusieurs fois, parsemant les œuvres des artistes.

Au cœur de l’exposition, une grande maison, Flying House de Jeanne Susplugas, dévoile le poids des objets qui emplissent nos intérieurs. Puis, la présence s’anime ; The Birth Giving de l’artiste afghane Kubra Khademi souligne ce qui intervient parfois dans les espaces intimes : la naissance, les traditions et les interdits.

Ailleurs, le travail sonore de Marianne Villière, intitulé Réalités désirées, découle de ses rencontres avec de jeunes habitantes des Yvelines dans le cadre de sa résidence artistique à Guyancourt. Elle leur donne la parole et insère leurs voix dans l’exposition.

On observe aussi des mises en scène, comme avec la photographie d’Halida Boughriet Le bijoutier afghan qui dresse le portrait d’Ismaîl installé dans un décor chargé de réminiscences historiques.

Enfin, on décrypte des scènes collectives ouvrant sur un horizon. Muhabet, le diptyque vidéo de Laura Haby évoque une forme de conversation ritualisée ; depuis bientôt quatre ans, l’artiste voyage au nord de l’Albanie dans un village enclavé qui connaîtra bientôt les bouleversements de la construction d’une route.

Ces manifestations de l’intime révèlent un échantillon de nos relations aux objets et aux personnes qui nous entourent. Les œuvres nous invitent à appréhender le chez-soi comme un paysage, un paysage énigmatique, jamais banal qui dévoile les nuances de nos habitudes et de nos caractères.

Notre foyer est un réservoir narratif : il raconte nos singularités.

Élise Girardot, janvier 2022

 

Crédits photos : Laura Haby 

“A Year of 13 Moons ” at Galerist, Istanbul
 A Year of 13 Moons  
Scenes from a recent past and a distant future 
Halida Boughriet, Nicolas Descottes, Anne-Charlotte Finel, Noémie Goudal, Berat Işık Yusuf Sevinçli 
15.09-23.10.2021 
Curator: Yekhan Pınarlıgil 
Autoportrait/ Self-portrait (3’15, 2009)  and Action, 2003 /6’, DV PAL, W&B, Sound /Collection: Centre Georges Pompidou, Paris –  ©halidaboughriet / Courtesy of the Artist and Galerist.
“Every one of seven years is a lunar year. In these years, people who are dominated by their emotions suffer from severe depression. But when a lunar year is also a year of 13 moons, like 1978, it often results in personal catastrophes.” -The opening monologue of In a Year of 13 Moons by R. W. Fassbinder We have built the world upon time and time upon the Moon and the Sun. Two contradicting cycles, two different concepts of time that do not overlap, and it is as if we are caught in the middle. The Moon navigates around us, descending and escalating time and again. The Sun has wrapped the Earth around its waist like a hula hoop, swaying it between day and night. We are in a year of 13 moons, right in the middle of the 13th full moon. It feels like it has begun without an end. A little before the past, within the last remains of memory; a bit later than the future, right before the end of the world. We are on the Earth’s surface, right in the middle of a desert, at a place like nowhere. We are watching the ruins from another time with eyes open wide, the wreck of civilization scattered all over. Here and there are a few traces, a few lines, freezing cold weather, sculpturesque remains from an enchanting structure, lonely but majestic ruins, a monochrome scenery that melts and disappears into the background, animals lost on their tracks, people gone astray, myths withering among languages in between disappearance and remembrance. 
“All worldly shapes shall melt in gloom, 
The Sun himself must die, 
Before this mortal shall assume 
Its Immortality! 
I saw a vision in my sleep 
That gave my spirit strength to sweep 
Adown the gulf of Time! 
I saw the last of human mould, 
That shall Creation’s death behold, 
As Adam saw her prime!” [1] 
Also find the virtual tour of the exhibition in this link; https://galerist.com.tr/13_ayli_1_yilda/
This exhibition is of an undated intuition, perhaps a post-apocalyptic landscape, an uncanny geography, a state of anxiety, a cold conceptual nightmare. An assumption of the past, a messenger from the future. Perhaps there has been a war, unsubstantiated like all others. Or maybe an undefinable chaos, a violent destruction. Perhaps the course of humanity has ended up in a cul-de-sac, as we marched ahead blindly, solemn and courageous, yet ignorant and impertinent. What follows is a head-spinning abyss. We enter the 13th moon from the edge of a cliff, through the vague doors of time. It remains ambiguous whether there is way out, or whether the year will eventually come to an end. The constructs proposed by the artists in the exhibition harbor an enchanting feeling of the uncanny, and thoughts of loneliness that accompany it. The existential loneliness of humanity floating in the infinite emptiness of space, or the feeling of alienation in the middle of a crowded city. The undefinable tension caused by finding oneself in the wrong place at the wrong time. Within these extraordinary scenes, the exhibition invites us to to silently turn back to ourselves and to question our own time. In these strange times prone to disaster, art becomes a field of exploration for reconstruction. Until the next year of 13 moons… 
Galerist proudly presents A Year of 13 Moons curated by Yekhan Pınarlıgil, exhibiting works by Halida Boughriet, Nicolas Descottes, Anne-Charlotte Finel, Noémie Goudal, Berat Işık and Yusuf Sevinçli. The exhibition will be on display from September 15 to October 23, 2021. 
[1] Thomas Campbell, ‘The Last Man’